Les interdictions de voyager occidentales ont été largement critiquées comme une réaction instinctive, désavouant à la fois les compétences et la transparence des scientifiques sud-africains qui ont réussi à identifier la variante. Des cas antérieurs à ceux-ci étant désormais signalés sur d’autres continents, les interdictions semblent au pire racistes, ou à tout le moins trop tardives pour être utiles.
Les interdictions de voyager risquent de dévaster des économies déjà fragiles et le tourisme à travers l’Afrique australe. Les fermetures des frontières sont une politique de dernier recours, même dans les pays riches dotés de filets de sécurité sociale fonctionnels. Ces mesures sont particulièrement horribles dans une grande partie de l’Afrique. Il y a une peur profonde de leur retour possible.
Il est encore trop tôt pour comprendre la transmissibilité et la gravité de l’Omicron, ou les protections que nos vaccins actuels offrent contre elle. Il n’est pas trop tôt pour voir comment son arrivée aggrave les problèmes existants d’inégalité et d’hésitation face aux vaccins.
Certains commentateurs occidentaux – décideurs politiques et journalistes – se sont trompés. L’idée que l’Afrique hésite, alimentant l’essor de cette variante, efface la réalité des énormes inégalités et des retards dans l’accès aux vaccins. L’Afrique a un besoin urgent d’un approvisionnement accru et prévisible pour protéger nos populations. L’Occident a fait obstacle à ce que cela se produise.
Le Covid-19 crée des défis inhabituels. L’inégalité et l’accès sont critiques.
Dans de nombreux pays africains, nous avons des systèmes de vaccination existants, mais ceux-ci nécessitent une expansion et un soutien massifs pour les campagnes de masse des adultes – même une fois qu’un approvisionnement constant de vaccins est disponible.
Au Kenya, par exemple, il y a un fort besoin de campagnes de vaccination en langue locale très médiatisées. Au lieu de cela, les leaders politiques confrontés aux élections ont continué à organiser de grands rassemblements publics. Ce n’est pas uniquement africain – le Brésil, l’Inde et les États-Unis ont fait les mêmes erreurs.
Le timing compte aussi. Lorsque la pandémie a commencé et que l’anxiété était la plus élevée, les vaccins n’existaient pas. Une fois qu’ils sont devenus lentement disponibles, il y avait moins de sentiment d’urgence. Les cas ici sont restés heureusement mais étonnamment bas. Nous avons vu d’autres pays hautement vaccinés rouvrir leurs économies, des stades de football européens remplis de foule, avec peu de nouvelles de cas localement. Les gens se sont détendus.
Malgré la colère contre les interdictions de voyager et l’inégalité d’accès aux vaccins, nous ne devons pas être distraits dans nos pays respectifs.
Il y a de profondes inégalités au sein de nos pays. Les élites vivant dans les capitales se sont rapidement fait vacciner, mais ont cessé de de sensibiliser le reste de la masse. Se contenter de se faire vacciner en fanfare, dans les aéroports nationaux, ne suffit pas.
C’est la vraie leçon d’Omicron : nous ne sommes pas en sécurité tant que nous ne sommes pas tous en sécurité.
Alain Toussaint (Consultant en Communication Politique et Affaires Publiques)